Gérer « Investir pour être autonome en eau »
Abreuvement. Chez Thomas Cotiby, en Côte-d’Or, la réalisation d’un forage a considérablement réduit la facture d’eau de cette exploitation en AOP époisses.
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À l’automne 2019, Thomas Cotigny, HCF, a repris l’exploitation de Jean-Louis Lachot (en lait AOP époisses) après un tuilage d’un an effectué dans le cadre d’un stage Start’agri . Au cours de cette période, un forage a été réalisé pour garantir à l’élevage son indépendance en eau. « Jusqu’en 2019, notre village était doté d’un bon syndicat des eaux, explique Jean-Louis Lachot. Nous étions autonomes et le coût, 0,78 € le mètre cube, était raisonnable. » À cette époque, le bâtiment des laitières était branché sur le réseau. L’été, pour abreuver les bêtes en pâture, une pompe communale avait été installée sur la rivière. Un équipement bien utile aux éleveurs avec ces sécheresses successives.
La situation s’est malheureusement dégradée avec le transfert de la compétence eau à la communauté de communes le 1er janvier 2019 : de 0,78 € le m3, le prix a bondi à près de 3 € le m3 ! « L’abonnement annoncé à 110 € est passé à 150 €, pointent les éleveurs. À Villy-en-Auxois, il n’était préalablement que de 25 €. Résultat :àpartir du 1er septembre 2019, la facture d’eau annuelle pour 4 000 m3 a été multipliée par quatre, en passant de 3 200 € à 12 000 € ! »« C’est une augmentation considérable pour un JA qui vient de s’installer, d’autant plus qu’elle n’amène rien de plus pour l’exploitation », regrette Thomas Cotiby.
Un retour sur investissement en quinze mois
Brutale, l’envolée des prix de l’eau du réseau a amené Jean-Louis Lachot à finaliser un projet qui lui trottait depuis longtemps dans la tête : assurer l’indépendance de l’exploitation avant de la transmettre à son successeur. « C’est un objectif en phase avec l’état d’esprit de la filière fromagère époisses AOP, dont le maître mot est l’autonomie », observe l’ancien président de l’ODG époisses AOP. Stocker l’eau de pluie ruisselant des toits n’était pas une solution compte tenu des exigences qualitatives attendues dans la fabrication du fromage à pâte molle. Outre les fientes d’oiseaux et le risque lié à la présence d’amiante dans les toitures, un traitement aurait été obligatoire, mais pas forcément suffisant. L’idée du forage s’est imposée. Mais comment trouver de l’eau de très bonne qualité, pas trop salée, et en quantité suffisante (minimum 3 m3 à l’heure) ? L’exploitation a fait appel à un sourcier reconnu pour ses compétences. « Il est arrivé avec deux photographies aériennes qu’il avait récupérées sur internet et sur lesquelles il avait dessiné deux traits bleus, raconte Jean-Louis Lachot. Chacun correspondant à un courant d’eau, l’un à 50 m de profondeur, l’autre à 90 m. Après avoir vérifié sur place avec son pendule, il nous a confirmé l’emplacement, en nous annonçant un débit potentiel de 3 m3 heure. J’étais bluffé. » Les prévisions du sourcier se sont révélées justes. À 100 m de profondeur il y avait bien de l’eau. De qualité qui plus est.
« Sanitairement, cette eau est exceptionnelle, soulignent nos interlocuteurs. Les analyses que nous avons fait réaliser l’ont démontré. Sans aucun traitement, nous disposons d’une eau douce, naturellement filtrée, sans aucun résidu de matière fécale. Contrairement à notre ancienne eau de réseau dont le pH s’élevait à 8-8,5, celle du forage n’est pas calcaire. Fini l’adoucisseur d’eau et les chauffe-eau entartrés au bout de deux ans ! » L’investissement a été réalisé conjointement avec l’exploitation voisine, celle de Michel Menestrier, un élevage laitier de taille équivalente dont le site est contigu. Une façon de mutualiser les coûts : 30 000 € au total, soit 15 000 € par troupeau (1). Compte tenu du prix de l’eau du réseau et de l’importance de la consommation du cheptel, le retour sur investissement a été très rapide : en quinze mois, c’était fait ! Opérationnel depuis juin 2019, le forage a fait ses preuves. « Lors de l’été particulièrement chaud et sec, le puits n’a donné aucun signe de faiblesse, se félicite le jeune agriculteur de 24 ans. L’hiver, avec une consommation de 13 m3 par jour pour chacune des deux exploitions et une capacité de fourniture du puits de 30m3, nous n’avons pas manqué d’eau. »
Anne Bréhier(1) Dont coût du forage : 63 € du mètre linéaire. L’électricité nécessaire au fonctionnement de l’installation et de la pompe est de 1 kWh par m3 d’eau à 0,12 € le kWh.
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